Si bien que je suis la première enchantée de pouvoir le redécouvrir dans ses couleurs d'origine ! La mise en scène est d'un raffinement extrême, « le charme opère dès les premières images. Le domaine du Roi bleu est envahi par le végétal et l'animal, qu'il s'agisse des murs couverts de lierre, des statues vivantes ou du trône que constitue un gros chat blanc ; cette même atmosphère désordonnée baigne la clairière de la Fée des lilas, envahie de fragments de pierre qui cohabitent avec une végétation omniprésente. C'est l'occasion d'immortaliser, pour les séquences dans le Val de Loire, la visite d'illustres amis de Jacques Demy et confrères de la scène parisienne. Venez visiter plus de 900 maisons, chalets, condos, terrains et commerces à vendre! Là est d'ailleurs le paradoxe : c'est en imposant par caprice la cérémonie de l'essayage, qui semble profondément ennuyer ses parents, que le Prince pourra faire reconnaître officiellement la Princesse et ainsi ne pas être taxé de caprice[57]. Habituée des tournages avec Demy, l'actrice tient bon : « Mais ces difficultés [l'inconfort des costumes] n'intéressaient pas Jacques [Demy]. Le miroir, instrument du reflet et du doute, est un motif qui revient à plusieurs reprises tout au long du film comme pour interroger l'exactitude des personnages. Dès le début du conte, le vulgaire se mêle au noble : c'est grâce à l'âne qui pond de l'or que le Roi bleu est prospère en son royaume, un miracle qui a des relents de scatophilie. Enfin, la Fée elle-même doit se plier au jeu du réalisme : si elle décide de confier sa baguette magique à sa filleule, puisqu'il lui en reste encore une en son domaine, il lui faut pourtant l'utiliser une dernière fois pour être capable de disparaître[123]. Lors d'une interview, Michel Legrand, qui a son brevet de pilote, évoquera une excursion en avion au-dessus du château de Chambord avec Jacques Demy, quelques semaines après la sortie du film, durant laquelle les deux « demy-frères », comme ils s'appellent[67], chantent à tue-tête les musiques imaginées pour Peau d'âne[64]. Marguerite et Julien, film sorti en 2015 de Valérie Donzelli, s'inspire lui plus largement et ouvertement de l'univers de Demy par ses thématiques incestueuses, son lyrisme et ses anachronismes volontaires[97],[98]. Ailleurs, le plan qui montre au spectateur le Prince s'approchant de face de la masure de Peau d'âne et se heurtant à une paroi invisible est très similaire au plan extrait du film Orphée (1950) dans lequel le poète, également joué par Jean Marais, se trouve incapable de traverser un miroir magique[7] ; ce même film partage avec Peau d'âne le motif du reflet de soi dans une mare, saisi par Jean Marais chez Cocteau et par Catherine Deneuve chez Demy[142]. Aujourd’hui. Elle fait tomber sa Peau d'âne et apparaît dans toute sa splendeur dans sa robe couleur du Soleil, provoquant l'émerveillement de tous. ». L'une des astuces les plus marquantes est celle utilisée pour faire défiler les nuages sur la « robe couleur du temps » de la Princesse. Les trois robes (couleur du Temps, couleur de Lune et couleur de Soleil) que la Princesse demande à son père, sur les conseils de la Fée, constituent le morceau de bravoure des costumiers. Les couleurs, qui imprègnent bien plus d'éléments que les films traditionnels, des chevaux jusqu'à la peau des gardes, sont à rattacher au style vif et aux couleurs tranchées d'Andy Warhol. souhaitée]. Pour lui, c'était comme si un danseur était venu se plaindre de ses pieds en sang ou de son dos cassé. La langue respecte également les inflexions du XVIIe siècle : la « couleur de temps » que réclame la Princesse pour sa robe correspond à l'idée que l'on avait du temps à l'époque de Perrault, à savoir un ciel clair mais légèrement chargé de nuages. lorsque Peau d'âne, abandonnée à elle-même après avoir fait l'objet de moqueries, évoque le Prince qui doit la trouver. Les deux acteurs donnent leur accord[n 2] mais le devis du projet est trop élevé pour un cinéaste alors presque inconnu[15]. Sorti de ce doux songe, le Prince fait annoncer au château qu'il épousera la fille du royaume au doigt de laquelle la bague ira parfaitement. Bory conclut sur le parti pris visuel de Peau d'âne : « Il faut savoir gré aux costumiers et décorateurs : ils n’ont pas trop versé dans le style « vitrine de Noël pour faubourg Saint-Honoré »[n 12],[79]. Agnès Varda, épouse du réalisateur, vient souvent sur le tournage, de même que leur fille Rosalie, alors âgée de douze ans[10], qui obtient les faveurs des costumières et deux rôles de figuration, et héritera également du gros chat qui sert de trône au Roi bleu[48]. Le Prince est d'abord bloqué par un mur invisible puis n'a d'autre choix que de grimper vers une lucarne, ce qui permet à la Princesse de contrôler la façon dont elle lui apparaît et de l'observer à son aise avec son miroir[161]. Paru pour la première fois en 1694 dans une version en vers, il est republié en 1781 sur vélin à Paris, chez l'éditeur Lamy. Il n'y a aucun point de rencontre entre ces trois lieux, et si la masure semble située au milieu du voyage de l'héroïne, elle n'en apparaît pas moins détachée du reste, comme détachée dans le temps : les mouvements se font au ralenti, les habitants de la ferme sont suspendus comme dans une dilatation de l'instant, et le Prince parvenu jusque-là est empêché d'approcher par une muraille invisible[170]. Ce même procédé est utilisé pour signifier le retour du printemps, lorsque l'écran laisse apparaître des branches bourgeonnantes[58]. Si j'entrais dans le système hollywoodien, il me conviendrait peut-être, mais je n'en étais pas sûr »[19]. À l'image de Peau d'âne, présente dans les cuisines, qui est appelée en dernier recours lorsque toutes les autres femmes ont épuisé leur chance. Des éléments de l'arc narratif rappellent, de plus, des passages d'autres films de Demy, comme l'épisode de la bague cachée sciemment par la Princesse dans le « cake d'amour », qui fait référence à la tradition des fèves dans la Galette des Rois, également au centre d'une scène entre les personnages de Geneviève (Catherine Deneuve) et de sa mère, Mme Émery (Anne Vernon), dans les Parapluies de Cherbourg[128]. Le fidèle collaborateur de Demy, le décorateur Bernard Evein, a eu du mal à établir un devis, tant les éléments de comparaison manquent pour un film aussi inhabituel que Peau d'âne. À l'époque, l'artisan est très pris par ses engagements de costumier et de décorateur au théâtre, et ne peut se libérer qu'une quinzaine de jours pour se rendre au domicile du réalisateur à Noirmoutier, où il n'a le temps de réfléchir qu'aux costumes[25]. Auréolée de gloire, l'actrice est devenue à l'époque une icône, et son intérêt pour le projet est un atout pour la mise en chantier du film, dont le scénario et les chansons sont déjà écrits, tout comme la musique composée par Michel Legrand[15]. Le scénario de Demy est ainsi le premier à respecter la thématique problématique du conte original, que le réalisateur réutilisera par ailleurs dans son ultime film, Trois places pour le 26 (1988)[7]. Un relevé microtopographique, une recherche des anomalies métalliques et une prospection géophysique de résistivité électrique du sous-sol ont permis de préciser le plan de la cabane et la densité des vestiges enfouis. » Il lui lit d'abord des vers extraits du second volume de l'Ode à Picasso, de Jean Cocteau (1889-1963)[n 15], qui évoquent les Muses de l'Antiquité utilisant des ustensiles de l'âge moderne (le « zinc », le « téléphone » ou des « becs de gaz »). Mais, pour moi aussi, le film avait disparu. Jacques aimait beaucoup ce conte. Mais, s'il sert de moyen de glorification, le miroir est aussi le support de la désillusion, illustrant la différence entre la jeunesse virginale de la Princesse et l'âge plus avancé de sa marraine à la manière du miroir de Blanche-Neige, qui annonce à la reine maléfique qu'elle a été surpassée en beauté. En Haute-Garonne, 384 personnes sont hospitalisées, dont 98 en réanimation. De nombreux tessons de céramique, qui pourraient reconstituer la vaisselle utilisée lors de la scène du « cake d'amour », ont également été retrouvés dans la cabane. Mais c'était surtout en sous-main, une injonction à la surréalité au sens esthétique et littéraire, « Tourner avec Demy, ce fut des moments de grâce, des moments de notre vie qu'on n'oublie pas. À la différence du roi du conte, dont il est cyniquement dit qu'il pleure sa femme « comme un homme pressé qui veut sortir d'affaire », son homologue chez Demy est un amoureux passionné qui bannit tout d'abord sa fille de sa vue afin que rien ne lui rappelle le souvenir de la défunte reine. Une autre liberté que prend Demy est celle de faire mention dans le script de grandes figures de la Cour de France, se pressant toutes tour à tour devant le Prince lors de la séance d'essayage de la bague. La critique américaine Anne E. Duggan, qui a écrit un ouvrage sur la dimension du genre dans l'œuvre de Demy, voit également dans Peau d'âne une volonté de défier aussi bien les canons esthétiques que les normes hétérosexuelles, illustrée notoirement par le thème de l'inceste[158]. Quand on enlève la peau d’un animal, elle reste « vivante », organique. L'écran devient rouge à l'exception de l'iris, qui se concentre sur le visage intrigué de. Le tournage débute le 1er juin 1970[36] et se prolonge dans l'été, pendant huit semaines, profitant de la lumière naturelle estivale. Selon sa fille Rosalie Varda, Demy tient « juste [à] réaliser un film dérangeant contre l'ordre établi et l'éducation judéo-chrétienne[10] ». Le mauvais goût américain m'a transporté, je l'ai adoré... », « essayer de faire simple et vrai comme furent, « j'avais surtout envie de rentrer en France pour y faire, « escaliers interminables du château de Chambord, « Mais ces difficultés [l'inconfort des costumes] n'intéressaient pas Jacques [Demy]. Mais la Princesse ne saisit pas l'amusement que son père tire de poèmes aussi incompréhensibles à l'époque du film, et est effarée de la déclaration d'amour qu'il lui fait alors, si bien qu'elle lui réplique pour mettre fin à cet épanchement anachronique : « La poésie vous égare, mon père ». La réhabilitation de l'œuvre de Demy dans les années 2000, jusque-là plutôt négligée par le public[111], a poussé Ciné-Tamaris à lancer différentes éditions du film. Lors de sa ressortie de 1996, cet album est complété par 5 titres inédits en CD, dont les deux enregistrés par Isabelle Aubret en 1970. Au-delà de la seule relecture d'un conte de fées, Peau d'âne constitue un chaînon à part entière dans la filmographie de Jacques Demy et se voit relié à toutes les autres œuvres du cinéaste par des procédés extradiégétiques ou techniques. ». Au contraire des précédents films de Demy, comme Les Parapluies de Cherbourg qui obtient le prix Louis-Delluc et la Palme d'or, Peau d'âne ne reçoit guère de reconnaissance de la profession en dehors du prix du « meilleur film pour enfants » décerné en 1971 par le Círculo de Escritores Cinematográficos (Cercle des scénaristes de film) en Espagne[77]. Tous deux vivent en harmonie avec leur unique fille (Catherine Deneuve), et la prospérité du royaume est continuellement assurée par l'âne fabuleux qui habite leurs écuries et dont les déjections surnaturelles délivrent pierres précieuses et pièces d'or.